Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/248

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dre. La petite ville dit aux voyageurs qui la contemplent du haut de la colline :

« Voyez ; je suis vieille, mais je suis belle ; mes enfants pieux ont brodé sur ma robe des tours, des clochers, des pignons dentelés et des beffrois. Je suis une bonne mère ; j’enseigne le travail et tous les arts de la paix. Je nourris mes enfants dans mes bras. Puis, leur tâche faite, ils vont, les uns après les autres, dormir à mes pieds, sous cette herbe où paissent les moutons. Ils passent ; mais je reste pour garder leur souvenir. Je suis leur mémoire. C’est pourquoi ils me doivent tout, car l’homme n’est l’homme que parce qu’il se souvient. Mon manteau a été déchiré et mon sein percé dans les guerres. J’ai reçu des blessures qu’on disait mortelles. Mais j’ai vécu parce que j’ai espéré. Apprenez de moi cette sainte espérance qui sauve la patrie. Pensez en moi pour penser au-delà de vous-mêmes. Regardez cette fontaine, cet hôpital, ce marché que les pères ont légué à leurs fils. Travaillez pour vos enfants comme vos aïeux ont travaillé pour vous. Chacune de mes pierres vous apporte un bienfait et vous enseigne un devoir. Voyez ma cathédrale, voyez ma maison commune, voyez mon Hôtel-Dieu et vénérez le