Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/260

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aux fontaines. J’aurais, en ce temps là, noué précieusement aux branches de ce beau fau des statuettes de terre cuite avec des bandelettes de laine, et peut-être même aurais-je su attacher au tronc un tableau portant une épigramme votive en vers imités d’Ausone. Ce hêtre, illustre dans le pays, s’élève sur la hauteur entre Saint-Thomas et Saint-Erme, dont l’église est misérable et charmante avec son mince clocher d’ardoises, son toit rustique, son porche renaissance, qui s’émiette à la pluie, et sa girouette où l’on voit le grand saint Antoine et son cochon finement découpés. À l’intérieur, dans la nef tronquée et nue, sur un chapiteau roman, un oiseau becquetant une grappe de raisin est resté comme l’unique témoin des jours où l’église de Saint-Erme s’élevait dans sa robe blanche au-dessus d’un peuple fidèle. Du XIe siècle au XVe, les églises de Soissons, de Reims et de Laon florissaient splendidement dans la Gaule chrétienne, et si l’on aime à vivre dans le passé, ce pays de Laon plaît par d’antiques souvenirs. Les pierres y parlent sous le mousse et sous la giroflée. À une lieue d’ici, vers Soissons, est Corbeny, où les rois de France, au retour du sacre, venaient toucher les écrouelles. À trois