Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/287

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avec l’aide du ciel, un si grand malheur. Il prit son bâton et alla trouver dans son palais la reine Genièvre. Et, lui ayant parlé quelque temps en secret, il la détermina tout aussitôt à renoncer à l’amour de Lancelot du Lac. Il lui inspira une pressante envie d’embrasser la vie religieuse. Enfin, il la donna jeune, belle, heureuse, parée, toute chaude encore d’un amour profane, à Jésus-Christ, qui n’a pas coutume de voir venir à lui les amoureuses en si bon état. Que lui avait-il dit ? Le petit livre que je viens d’acheter sur la route à un barde aveugle comme Homère et profondément ivre de tafia, un petit livre de gwerz et de sonn, où je trouve beaucoup d’histoires de saints, ne rapporte pas les propos que tint l’ermite Collédoc pour changer ainsi le cœur de Genièvre. Ah ! monsieur Trévoux, que lui avait-il dit ? Vous qui connaissiez si bien dans leurs moindres détails les vies des saints bretons, le saviez-vous, de votre vivant, quand vous passiez au soleil sur le beau quai Voltaire, tranquille avec deux ou trois bouquins dans chaque poche de votre douillette ? Le saviez-vous et l’avez-vous mis dans votre grande compilation hagiographique ?

Hélas ! comment l’auriez-vous appris, puisque