Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/305

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par une triste langueur. Mais le regret, le souci de toi et le souvenir de ta tendresse m’ont ôté la douce vie. »

« Elle dit. Son fils voulut la presser dans ses bras. Trois fois il s’élança, le cœur ardent à la saisir ; trois fois, elle s’évanouit dans ses mains, semblable à une ombre et à un songe.

« Alors, le cœur déchiré par une douleur aiguë, il lui dit :

« Ma mère, pourquoi ne m’attends-tu pas, quand je veux t’embrasser, afin que chez Hadès, dans les chers bras l’un de l’autre, nous puissions nous rassasier de nos tristes pleurs ? »

« Et la vénérable mère répondit :

« Hélas ! mon enfant, tel est l’état des hommes quand ils sont morts : les nerfs sont privés de chair et d’os, la force du feu les consume aussitôt que l’esprit abandonne les os blancs, et l’âme, comme un songe, flotte, envolée… »

Paroles infiniment douces et toutes trempées du lait de la tendresse humaine ! Elles ont été trouvées par un très vieux chanteur qui vivait au bord de la mer « violette », dans un temps où les hommes n’avaient pas encore