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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/304

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et la déesse qui l’aimait lui dit un jour : « Je t’aime parce que tu mens bien. » Son ignorance en effet semble inconcevable après les leçons de Circé qui lui avait révélé l’art des évocations. Et nous venons de voir qu’il avait très bien retenu les préceptes de la magicienne. Ou simplement y a-t-il encore à cet endroit une reprise à la tapisserie.

Tout est obscur dans cette merveilleuse poésie d’enfants peureux. Mais l’obscurité même y est un charme et un sujet d’émerveillement. Et quand la mère vénérable d’Ulysse, la vieille Anticlée, boit le sang noir et parle à son fils, nous sommes saisis d’une émotion large et profonde, et pénétrés d’un tel sentiment de beauté qu’il nous faut reconnaître que le génie hellénique eut, dès l’enfance, l’instinct de l’harmonie et connut cette sorte de vérité qui passe la vérité scientifique et dont, seuls au monde, les poètes et les artistes sont les révélateurs.

« Mon enfant, comment es-tu venu vivant dans la nuit sans lumière ? car il est difficile aux vivants de voir ces choses.

« … Celle qui est habile à l’arc ne m’a pas tuée de ses flèches, ni une de ces maladies ne m’est survenue, qui enlève la vie aux membres