Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/32

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cette époque, je riais de tout mon cœur à la pensée que M. Hamoche, dans sa chambre, ne quittait pas son chapeau, que ce chapeau, prodigieusement haut, s’élevait sur le toit au-dessus des tuyaux, et qu’il y manquait seulement une de ces flèches de zinc qui tournent au vent.

À six ans, on a l’esprit mobile. Depuis quelque temps, je ne songeais plus au lunetier, au chapeau, aux deux cercueils, quand un jour — il me souvient que c’était un jour de printemps, — il était six heures et demie, et nous étions à table… On dînait de bonne heure, sur le quai Malaquais, dans ce temps-là. Un jour, dis-je, Mme  Mathias, qui était très considérée dans la maison, vint dire à mon père :

« Le marchand de lunettes est très malade, là-haut, dans sa mansarde. Il a une fièvre de cheval.

— J’y vais », dit mon père en se levant.

Au bout d’un quart d’heure, il revint.

« Eh bien ? demanda ma mère.

— On ne peut rien dire encore, répondit mon père, en reprenant sa serviette avec la tranquillité d’un homme habitué à toutes les misères humaines. Je croirais à une fièvre céré-