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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/31

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« Il est malheureux ! » disait Mme Mathias.

Et ma mère disait aussi :

« Ce pauvre homme ! il est dans la misère ! »

C’en était fait. J’avais perdu ma confiance première dans la bonté de la nature. Et, sans doute, je ne surprendrai personne si je dis que je ne l’ai jamais retrouvée depuis.

Tout en m’inquiétant, M. Hamoche m’intéressait beaucoup. Il m’arrivait quelquefois de le rencontrer, le soir, dans mon escalier. Ce n’était point extraordinaire, car il habitait une mansarde dans notre maison. À la tombée du jour, il grimpait les degrés, ayant sous chaque bras une boîte longue et noire, qui renfermait, assurément, les lunettes et les minéraux. Mais ces deux boîtes ressemblaient à deux petits cercueils, et j’avais peur, comme si cet homme de malheur était un croque-mort…

N’emportait-il pas ma confiance et ma sécurité ? Maintenant, je doutais de tout, puisque, reposant sous notre toit, dans la maison bénie, cet homme n’était pas heureux.

Sa mansarde donnait sur la cour, et ma bonne m’avait dit que, pour s’y tenir debout, il fallait passer la tête par la fenêtre à tabatière. Et, comme je n’étais pas toujours sérieux à