Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/330

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foi commune, a pour origine les hallucinations d’un malade ignorant ! Le Breton n’a pas l’esprit d’examen ; il est incapable de critique, et vraiment on ne peut lui en faire un reproche. L’esprit critique se développe dans des conditions trop particulières et trop rares pour exercer une action efficace sur les croyances de l’humanité. Ces croyances échappent absolument au contrôle de l’intelligence. Elles peuvent se montrer ineptes et absurdes sans compromettre l’autorité qu’elles exercent sur les âmes. C’est un lieu commun que de penser qu’elles sont consolantes. À la réflexion, on s’apercevrait peut-être que, le plus souvent, les hommes en reçoivent moins de plaisir que de peur. La foi des Bretons me semble particulièrement morne. Tout au moins, ils ne paraissent pas en tirer plus de joie que de leur petite pipe courte et de leur litre d’eau-de-vie. Ces hommes entêtés, sauvages et silencieux ressemblent aux Peaux-Rouges ; et l’on ne peut se défendre, en les regardant, de prévoir le jour où, murmurant un cantique, buvant et fumant, ils se laisseront mourir en regardant la lande ou la mer.