Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/38

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faible pour les porter. Vos besicles glissaient toujours, et vous en éprouviez toujours une impatience nouvelle ; car vous n’avez jamais su vous soumettre en riant à la nécessité, et vous portiez au milieu des misères domestiques une âme indignée.

Ah ! Madame Mathias, Madame Mathias, que ne donnerais-je point pour vous revoir telle que vous fûtes, ou du moins pour savoir ce que vous êtes devenue, depuis trente ans que vous avez quitté ce monde où vous aviez si peu de joie, où vous teniez si peu de place et que vous aimiez tant. Je l’ai senti, vous aimiez la vie, et vous vous attachiez aux affaires terrestres avec cette obstination désespérée des malheureux. Si j’avais de vos nouvelles, Madame Mathias, j’en recevrais infiniment de contentement et de paix. Dans le cercueil des pauvres où vous vous en êtes allée par un beau jour de printemps, il m’en souvient, par un de ces beaux jours dont vous goûtiez si bien la douceur, chère dame, vous emportiez mille choses touchantes, tout un monde d’idées créé par l’association de votre vieillesse et de mon enfance. Qu’en avez-vous fait, Madame Mathias ? Là où vous êtes,