Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/49

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« Eh ! ben ? comment vas-tu, Hippolyte ?

— Oh ! dit-il, la santé n’est pas mauvaise. Le coffre est bon. Mais les affaires ne vont pas. Trois ou quatre lettres à cinq sous pièce, le matin. Et c’est tout… »

Puis il haussa les épaules, comme pour secouer les soucis, et, tirant de dessous la table une bouteille et des verres, il nous versa du vin blanc.

« À ta santé, la vieille !

— À ta santé, Hippolyte ! »

Le vin était piquant. En y trempant mes lèvres, je fis la grimace.

« C’est une petite demoiselle, dit le vieillard. À son âge, j’étais déjà porté sur le vin et les amours. Mais on ne fait plus des hommes comme moi. Le moule en est brisé. »

Puis, me posant lourdement la main sur l’épaule :

« Tu ne sais pas, mon ami, que j’ai servi le petit caporal et fait toute la campagne de France. J’étais à Craonne et à Fère-Champenoise. Et, le matin d’Athis, Napoléon m’a demandé une prise de tabac.

« Je crois le voir encore, l’empereur. Il était petit, gros, le visage jaune, avec des yeux pleins