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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/63

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d’une vierge vénérée des bergers. Son petit frère Jean, occupé pendant ce temps à conduire des chevaux imaginaires, l’aperçoit ainsi parée. Aussitôt il est saisi d’admiration. Un sentiment religieux pénètre toute sa petite âme. Il s’arrête, le fouet lui tombe des mains. Il comprend qu’elle est belle. Il voudrait être beau aussi et tout chargé de fleurs. Il essaye en vain d’exprimer ce désir dans son langage obscur et doux. Mais elle l’a deviné. La petite Catherine est une grande sœur ; une grande sœur est une petite mère ; elle prévient, elle devine.

« Oui, chéri, s’écrie Catherine ; je vais te faire une belle couronne et tu seras pareil à un petit roi. »

Et la voilà qui tresse les fleurs bleues, les fleurs jaunes et les fleurs rouges pour en faire un chapeau. Elle pose ce chapeau de fleurs sur la tête du petit Jean, qui en rougit de joie. Elle l’embrasse, elle le soulève de terre et le pose tout fleuri sur une grosse pierre. Puis elle l’admire parce qu’il est beau et elle l’aime parce qu’il est beau par elle.

Et, debout sur son socle agreste, le petit Jean comprend qu’il est beau. Cette idée le pénètre d’un respect profond de lui-même. Il