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nent avec facilité les choses qu’ils désirent et qu’ils n’ont pas. Quand ils gardent dans l’âge mûr cette faculté merveilleuse, on dit qu’ils sont des poètes ou des fous. Le petit Jean crie, frappe et se démène.

Catherine joue encore avec ses fleurs. Mais il y en a qui meurent. Il y en a d’autres qui s’endorment. Car les fleurs ont leur sommeil comme les animaux, et voici que les campanules, cueillies quelques heures auparavant, ferment leurs cloches violettes et s’endorment dans les petites mains qui les ont séparées de la vie. Catherine en serait touchée si elle le savait. Mais Catherine ne sait pas que les plantes dorment ni qu’elles vivent. Elle ne sait rien. Nous ne savons rien non plus et, si nous avons appris que les plantes vivent, nous ne sommes guère plus avancés que Catherine, puisque nous ne savons pas ce que c’est que vivre. Peut-être ne faut-il pas trop nous plaindre de notre ignorance. Si nous savions tout, nous n’oserions plus rien faire et le monde finirait.

Un souffle léger passe dans l’air et Catherine frissonne. C’est le soir qui vient.

« J’ai faim », dit le petit Jean.

Il est juste qu’un conducteur de chevaux