Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/84

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crainte était raisonnable. Peut-être enfin ma tunique choquait-elle en lui un sentiment esthétique développé par les cérémonies du culte et dans les pompes de l’Église. Ce qui est certain, c’est qu’il m’écarta de ces entretiens dominicaux qui m’étaient chers.

Il s’y prit habilement et par d’heureux détours, sans me dire un seul mot désobligeant, car c’était une personne très polie.

Il avait soin, quand j’approchais, de se tourner du côté opposé et de parler bas de façon que je n’entendisse point ce qu’il disait. Et quand je lui demandais avec timidité quelques éclaircissements, il feignait de ne point m’entendre, et peut-être en effet ne m’entendait-il point. Il ne me fallut pas beaucoup de temps pour comprendre que j’étais importun et je ne me mêlai plus aux familiers de l’abbé Simler.

Cette disgrâce me causa quelque chagrin. Les plaisanteries de mes camarades m’agacèrent à la longue. J’appris à rendre, avec usure, les coups que je recevais. C’est un art utile. J’avoue à ma honte que je ne l’ai pas du tout exercé dans la suite de ma vie. Mais quelques camarades que j’avais bien rossés m’en témoignèrent une vive sympathie.