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gnomique d’Hésiode. M. Debas pratiquait tous les arts pour l’amour des hommes.

Mais sa plus grande occupation était de veiller sur la chose publique. À cet égard, il vécut ainsi qu’un homme de Plutarque. D’âme généreuse, passant ses journées en plein air, déjeunant et soupant sur un banc, il s’était fait des mœurs dignes d’un Athénien. La grandeur et la félicité de sa patrie faisaient le souci de toutes ses heures. L’empereur, en vingt ans de règne, ne put le contenter une fois. M. Debas déclamait contre le tyran avec une éloquence naturelle ornée de lambeaux de rhétorique, car il avait des lettres et lisait parfois ses livres qu’il ne vendait jamais. Bien qu’il eût le goût noble, il donnait souvent à ses indignations un tour familier. N’étant séparé que par la rivière du palais sur lequel le drapeau tricolore annonçait la présence du souverain, il se trouvait, par le voisinage, sur un pied d’intimité avec celui qu’il appelait le locataire des Tuileries.

Badinguet passait quelquefois à pied devant l’étalage de M. Debas. M. Octave Uzanne nous a gardé le souvenir d’une promenade que Napoléon III, au début de son principat, fit, en compagnie d’un aide de camp, sur le quai Voltaire.