Page:Anatole France - Poésies.djvu/133

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Ses doigts, où les parfums des jeunes chevelures
Avaient laissé leur âme et s'exhalaient encor
Autour du scarabée et des talismans d'or,
Gardaient des souvenirs pareils à des brûlures.

Or elle haïssait ce corps qui lui fut cher ;
Tous les baisers reçus lui revenaient aux lèvres
Avec l'âcre saveur des dégoûts et des fièvres.
Madeleine était triste et souffrait dans sa chair ;

Et ses lèvres, ainsi qu'une grenade mûre,
Entr'ouvrant leur rubis sous la fraîcheur du ciel,
L'abeille des regrets y mit son âcre miel,
Et le vent qui passait recueillit ce murmure :

« J'avais soif, et j'ai ceint mon front d'amour fleuri ;
J'ai pris la bonne part des choses de ce monde,
Et cependant, mon Dieu, ma tristesse est profonde,
Et voici que mon cœur est comme un puits tari !

« Mon âme est comparable à la citerne vide
Sur qui le chamelier ne penche plus son front ;
Et l'amour des meilleurs d'entre ceux qui mourront
Est tombé goutte à goutte au fond du gouffre avide.