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LES POÈMES DORÉS

Voici que la plus belle allume la première
À l’occident pâli sa vibrante lumière,
Vénus splendide et chaste, honneur de notre nuit.

Depuis qu’ils ont chéri l’amour et sa souffrance,
Les hommes ont fait part de leur brève espérance
À cet astre indulgent qui ramène le soir.
— Si tu retiens mes yeux, Vénus ; si ma pensée
Au sein du mol éther vers toi s’est élancée,
C’est toi seule et c’est toi toute que je veux voir.

J’ai surpris tes secrets : Ô céleste jumelle
De la Terre, astre cher qui mourras avec elle,
Tes destins sont pareils aux destins de ta sœur.
Le même soleil t’aime ; et ce père des flammes
Jette en ton sein fleuri la vie, orgueil des âmes.
La nuit ainsi qu’à nous te verse sa douceur.

Monde, tu fais rouler dans la pâle étendue
La forme avec l’amour à tes flancs suspendue ;
Tu livres aux troupeaux tes champs hospitaliers ;
Tes mers ont leurs nageurs, et des siècles de fauves
Ont rugi le désir aux creux de tes rocs chauves ;
Tes deux pôles de glace ont de blancs familiers.