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VÉNUS, ÉTOILE DU SOIR


Des reptiles, traînant leurs épais cartilages,
De leurs sillons visqueux souillaient tes chaudes plages,
Au temps où tu naissais dans les limons marins.
Et maintenant, mangeurs de chair ou d’herbe grasse,
Des êtres réjouis dans la force et la grâce,
Nés de ton corps adulte, ornent tes jours sereins.

Un air rouge et vibrant, semé de feux intimes,
Sur tes roides hauteurs dont nul n’a vu les cimes,
Nourrit avec excès de larges floraisons,
De grands lis pleins d’odeurs et de phosphorescences,
Les longs fûts des palmiers aux salubres essences,
Et des gerbes de dards exhalant leurs poisons.

Des îles en leurs lits récents de madrépores,
Vierges, sous le vent frais plein de baisers sonores,
Conçoivent les doux fruits des continents lointains.
De grands oiseaux guerriers s’assemblent, race antique,
Dans les sombres vapeurs de ton ciel magnétique,
Sous les cratères noirs de tes volcans éteints.

Et des guetteurs, du haut des roches caverneuses,
Lourds, velus, déployant leurs ailes membraneuses,
De nocturnes regards éclairent les granits :