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LES POÈMES DORÉS

Ils veillent, attendant que l’aire obscure dorme ;
Ils vont se laisser choir, et sous leur masse énorme
Lentement étouffer les couples dans les nids.

Vénus, ô grande mère aux entrailles brûlantes,
Mère des animaux avides et des plantes,
Tout ce que tu contiens de divine chaleur
Dans un fécond travail a gonflé tes mamelles.
En allaitant, Vénus, tes nourrissons, tu mêles
Largement en leur sang la joie et la douleur.

Mais lorsque après tes nuits, tes sombres nuits sans lune,
Derrière l’Océan qui gémit sur la dune,
Immense et près de toi se lève le soleil,
Est-il, pour réfléchir ton ciel qui s’illumine,
Un regard où reluit la tristesse divine,
Un regard anxieux et fier, au mien pareil ?

Nourris-tu des vivants de qui l’âme profonde
Te contient tout entier dans elle-même, ô monde !
Et qui sont ta vertu, ta splendeur et tes dieux ?
N’as-tu pas enfanté des rois, frères des hommes,
Qui, superbes, hardis, pensifs, tels que nous sommes,
Seuls portent haut leur front et regardent les cieux ?