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LA FILLE DE CAÏN


Les fauves, les humains, la troupe des vivants
Gagna les pics neigeux sous la foudre mouvants.
Et les géants debout et les vierges voilées,
Les mères qui tendaient leurs mamelles gonflées
À leurs petits enfants aux yeux clos, les vieillards
Inertes, et du fond de leurs yeux sans regards
Pleurant leurs jours de paix et leurs longues mémoires,
Les chefs portant la lance, et les esclaves noires,
Les marchands étrangers venus sur leurs chameaux,
Et les prêtres savants à conjurer les maux,
Sous le choc écumant de la vague profonde,
Priaient ou maudissaient le Destructeur du monde.
Et, quand eurent sombré les sommets des grands monts.
Quand flotta sur les eaux le rire des Démons,
Le mammouth, exhalant un gémissement rauque,
Levait sa trompe encor sur l’immensité glauque.

III



Le soleil reparut, rouge et froid dans les cieux.
Pressant entre ses bras le corps silencieux