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IDYLLES ET LÉGENDES


La ceinture, où des mots brillaient pleins de mystère,
Glissa comme un serpent blessé sur ses genoux.
L’émir dit : « Nous allons étouffer sur la terre :
Le monde des vivants est trop étroit pour nous.

« Au dos de mon cheval veux-tu que je te couche ?
Son galop vers la mer bercera ton sommeil,
Les vagues baiseront tes pieds, tes flancs, ta bouche,
Et je te porterai dans le lit du soleil ! »

Homâï, dans ses bras immobile et sereine,
Laissait son clair regard se refléter en noir
Dans le sabre pendu contre un pilier d’ébène :
Elle se contemplait au fond de ce miroir.

Puis, en se renversant, sa tête inerte et belle
Entraîna son regard qui flotta mollement.
Vers l’heure où le nopal fleurit, l’émir près d’elle
S’endormit dans la joie et dans l’apaisement.

Le sabre nu brillait dans l’ombre vague et terne.
Sur son coude pensif se dressant à demi,
Comme un enfant se penche au bord d’une citerne,
La femme se pencha sur l’émir endormi.