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HOMAÏ


Son sommeil comparable à des eaux paresseuses,
Pleines d’îles de fleurs, coulait heureux et lent.
Homâï, de la voix chantante des berceuses,
Dit, en rendant plus doux son regard indolent :

« Je voudrais n’être pas près de toi pour ta perte,
Mais tout vouloir est vain : je t’aime, et tu mourras.
Un Esprit est en moi ; mon âme assiste inerte
À tout ce que l’Esprit accomplit par mon bras.

« Un soir que je croisais les bras sur ma terrasse,
Les Mages m’ont parlé : « Qu’Ormuzd soit obéi.
« Ormuzd a mis en toi le salut de ta race. »
Hélas ! j’ai, ce soir-là, cessé d’être Homâï.

« Car ils m’ont fait rester, six jours, sans nourriture,
Dans un lieu souterrain, à la façon des morts.
C’est là que j’ai perdu mon humaine nature,
Et qu’un Esprit subtil est entré dans mon corps.

« Puis ils m’ont dit : « Revêts d’une étoffe éclatante
« Ta chair purifiée et qui dompta l’effroi,
« Ô vierge, et va frapper l’ennemi dans sa tente. »
Ils m’ont dit, et mes pieds sont allés jusqu’à toi.