Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/105

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Un orage les surprit en plaine, la pluie tombait roide. Pantagruel tira à demi la langue et en couvrit son armée. « Cependant, dit Rabelais, moi qui vous fais ces tant véritables contes, je m’étais caché sous une feuille de bardane. Mais, quand je les vis si bien couverts, j’allais à eux ; mais, ne trouvant pas de place sous la langue tant ils y étaient serrés, je montai dessus et cheminai bien deux lieues avant d’entrer dans la bouche. Mais, ô dieux et déesses, que vis-je là ? Je vis de grands rochers : je crois que c’étaient des dents, et de grands prés, de grandes forêts, de fortes et grosses villes non moins grandes que Lyon ou Poitiers. Le premier que j’y trouvai, ce fut un bonhomme qui plantait des choux. Je lui demandai, tout ébahi : « Mon ami, que fais-tu ici ? — Je plante des choux, dit-il. »

C’est encore du Lucien. Bien avant que Frère François n’explorât la bouche du géant, Lucien avait découvert un monde dans le ventre d’une baleine. Il rapporte que des voyageurs, avalés par le monstre, rencontrèrent dans ses entrailles un vieillard et un jeune homme qui cultivent un jardin. « Le vieillard, dit l’auteur grec, nous prend la main et nous conduit à sa demeure, qu’il avait su rendre assez commode. Là, il nous sert des légumes, des fruits, du poisson, du vin. »

Ce livre deux, moins bon, peut-être, que le premier, dont il reproduit les principaux thèmes, mais encore excellent par endroits, finit sur un