Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/168

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état et ma condition. » Ces du Bellay étaient des gens de bien et d’honneur ; mais ils n’avaient guère d’argent. Vous vous rappelez que Langey à sa mort devait beaucoup à son médecin. Rabelais n’ignore pas que, pour être entendu des grands, il faut frapper souvent et fort et ne pas craindre d’être importun. Saint-Ay se chargea de faire tenir la lettre au cardinal évêque, mais sans y ajouter le moindre mot de recommandation, sans doute parce qu’il savait que Rabelais, dans sa propre maison, ne manquait pas du nécessaire.

Rabelais à Metz était d’autant moins à plaindre, qu’il se faisait agréer, en avril 1547, comme médecin stipendié de l’Hôtel-Dieu. Il resta un an plein au service de la République, moyennant cent vingt livres, et il contenta si bien les habitants de Metz, que les magistrats lui accordèrent les appointements d’un trimestre comme gratification. Il « vivotait » donc assez bien.

François Ier mourut le 31 mars 1547. Henri II, qui lui succédait, n’avait pas, comme son père, le goût des arts, des lettres et des élégances de l’esprit. Son intelligence était étroite, son cœur petit, et l’on pouvait augurer que les luthériens de France seraient, sous le nouveau prince, plus âprement persécutés qu’ils ne l’avaient été même durant les dernières années, pourtant si pleines de supplices, du feu roi. Le premier acte du souverain confirma toutes les craintes des modérés.