Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» — Par la mordienne, dirent alors les diables, il n’a pas voulu prêter à Dieu le Père une pauvre chape ! Faisons-lui peur !

» — C’est bien dit, répond Villon, Mais cachons-nous jusqu’à ce qu’il passe et chargez vos fusées et tisons.

» Tappecoue arrivé à l’endroit où ils étaient, ils se précipitèrent tous sur le chemin, devant lui, terribles, jetant feu de tous côtés sur lui et sur sa pouliche, sonnant de leurs cymbales, et hurlant en diables :

» — Hho hho hho hho bourrrous, rourrous, rourrous, hou hou hou hho hho hho. Frère Étienne, faisons-nous pas bien les diables ?

» La pouliche tout effrayée se mit au trot, à bonds, et au galop, à ruades, doubles pédales et pétarades, tant qu’elle jeta bas Tappecoue, quoi qu’il se tînt à la selle de toutes ses forces. Ses étrivières étaient de cordes. Un de ses souliers à lanières, celui du pied droit, y était si fort entortillé qu’il ne le put jamais tirer. Aussi était-il traîné à écorchecul par la pouliche toujours multipliant ses ruades contre lui et fourvoyée de peur par les haies, buissons et fossés. De façon qu’elle lui martela toute la tête et que la cervelle en tomba près de la croix Osanière ; puis elle lui mit les bras en pièces, l’un ici, l’autre là ; les jambes de même, et des boyaux fit un long carnage, en sorte que la pouliche, arrivée au couvent, ne portait de lui que le pied droit dans le soulier entortillé.