Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/200

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de passer outre sans mot dire, et s’il advenait qu’il fût calme en mer, de signifier ce qu’il avait entendu. Quand donc ils furent près de Palodes, il advint qu’ils n’eurent ni vent ni courant. Adonc Thamous, montant en proue et projetant sa vue sur la terre, dit, ainsi qu’il lui était commandé, que Pan le grand était mort. Il n’avait encore achevé le dernier mot, quand furent entendus grands soupirs, grandes lamentations et effrois sur terre, non d’une personne seule, mais de plusieurs ensemble. Cette nouvelle (parce que plusieurs avaient été présents) fut bientôt divulguée à Rome. Et Tibère César, lors empereur en Rome, envoya quérir ce Thamous. Et, après l’avoir entendu parler, ajouta foi à ses paroles. »

Plutarque comme Rabelais, les Alexandrins aussi bien que les humanistes, croyaient que Pan, le grand Pan, était Tout, le grand Tout, πᾶν, en grec, signifiant tout. Et l’on conçoit dès lors quelle mystérieuse terreur répand cette voix entendue sur la mer : « Le Grand Pan est mort. » Cette étymologie n’en est pas moins très fausse et même très absurde. Pan était né avec des cornes, de la barbe, un nez camus et des pieds de bouc. Il habitait l’Arcadie, vivait dans les bois et les prairies et gardait les troupeaux ; il inventa la syrinx dont il tirait des sons rustiques. Ce petit dieu inspirait parfois la terreur aux hommes par ses apparitions soudaines. Avec une