Page:Anatole France - Sur la pierre blanche.djvu/49

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leur de bronze, aiguillonnait la croupe d’un âne chargé de salades et chantait entre ses dents ébréchées, dans sa barbe rude, une chanson d’esclave :

Travaille, petit âne,
Comme j’ai travaillé.
Et cela te profitera :
Tu peux en être sûr.

Cependant, au spectacle de la ville recommençant son labeur de chaque jour, Gallion se prit à songer à cette première Corinthe, la belle Ionienne, opulente et joyeuse, jusqu’au jour où elle vit ses citoyens massacrés par les soldats de Mummius, ses femmes, les nobles filles de Sisyphe, vendues à l’encan, ses palais, ses temples incendiés, ses murs renversés et ses richesses entassées dans les liburnes du Consul.

— Il n’y a pas encore un siècle, dit-il, l’œuvre de Mummius subsistait tout entière. Ce rivage que tu vois, ô mon frère, était