Page:Anatole France - Thaïs.djvu/109

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— Je n’ai jamais été qu’à toi.

Lollius lui répondait :

— Tu ne ressembles à aucune autre femme.

Le charme dura six mois et se rompit en un jour. Soudainement Thaïs se sentit vide et seule. Elle ne reconnaissait plus Lollius ; elle songeait :

— Qui me l’a ainsi changé en un instant ? Comment se fait-il qu’il ressemble désormais à tous les autres hommes et qu’il ne ressemble plus à lui-même ?

Elle le quitta, non sans un secret désir de chercher Lollius en un autre, puisqu’elle ne le retrouvait plus en lui. Elle songeait aussi que vivre avec un homme qu’elle n’aurait jamais aimé serait moins triste que de vivre avec un homme qu’elle n’aimait plus. Elle se montra, en compagnie des riches voluptueux, à ces fêtes sacrées où l’on voyait des chœurs de vierges nues dansant dans les temples et des troupes de courtisanes traversant l’Oronte à la nage. Elle prit sa part de tous les plaisirs qu’étalait la ville élégante et monstrueuse ; surtout elle fréquenta assidûment les théâtres, dans lesquels des mimes habiles, venus de tous