Page:Anatole France - Thaïs.djvu/147

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— Ne dis-tu pas, ma Drosé, que les dieux t’aiment ? demanda Nicias en souriant. C’est donc qu’ils partagent l’infirmité des hommes. L’amour suppose chez celui qui l’éprouve le sentiment d’une intime misère. C’est par lui que se trahit la faiblesse des êtres. L’amour qu’ils ressentent pour Drosé est une grande preuve de l’imperfection des dieux.

À ces mots, Drosé se mit dans une grande colère :

— Nicias, ce que tu dis là est inepte et ne répond à rien. C’est, d’ailleurs, ton caractère de ne point comprendre ce qu’on dit et de répondre des paroles dépourvues de sens.

Nicias souriait encore :

— Parle, parle, ma Drosé. Quoi que tu dises, il faut te rendre grâce chaque fois que tu ouvres la bouche. Tes dents sont si belles !

À ce moment, un grave vieillard, négligemment vêtu, la démarche lente et la tête haute, entra dans la salle et promena sur les convives un regard tranquille. Cotta lui fit signe de prendre place à son côté, sur son propre lit

— Eucrite, lui dit-il, sois le bienvenu ! As-tu composé ce mois-ci un nouveau traité de phi-