Page:Anatole France - Thaïs.djvu/185

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faîte étincelant du tombeau d’Alexandre. Sur les dalles de la chaussée, traînaient ça et là des couronnes effeuillées et des torches éteintes. On sentait dans l’air les souffles frais de la mer. Paphnuce arracha avec dégoût sa robe somptueuse et en foula les lambeaux sous ses pieds.

— Tu les a entendus, ma Thaïs ! s’écria-t-il Ils ont craché toutes les folies et toutes les abominations. Ils ont traîné le divin Créateur de toutes choses aux gémonies des démons de l’enfer, nié impudemment le bien et le mal, blasphémé Jésus et vanté Judas. Et le plus infâme de tous, le chacal des ténèbres, la bête puante, l’arien plein de corruption et de mort, a ouvert la bouche comme un sépulcre. Ma Thaïs, tu les as vues ramper vers toi, ces limaces immondes et te souiller de leur sueur gluante ; tu les as vues, ces brutes endormies sous les talons des esclaves ; tu les as vues, ces bêtes accouplées sur les tapis souillés de leurs vomissements ; tu l’as vu, ce vieillard insensé, répandre un sang plus vil que le vin répandu dans la débauche, et se jeter au sortir de l’orgie à la face du Christ inattendu !