Page:Anatole France - Thaïs.djvu/200

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Christ. Dans tous les groupes, la conduite de Thaïs était sévèrement jugée :

— C’est une fuite honteuse !

— Un lâche abandon !

— Elle nous retire le pain de la bouche.

— Elle emporte la dot de nos filles.

— Il faudra bien au moins qu’elle paie les couronnes que je lui ai vendues.

— Et les soixante robes qu’elle m’a commandées.

— Elle doit à tout le monde.

— Qui représentera après elle Iphigénie, Électre et Polyxène ? Le beau Polybe lui-même n’y réussira pas comme elle.

— Il sera triste de vivre quand sa porte sera close.

— Elle était la claire étoile, la douce lune du ciel alexandrin.

Les mendiants les plus célèbres de la ville, aveugles, culs-de-jatte et paralytiques, étaient maintenant rassemblés sur la place ; et, se traînant dans l’ombre des riches, ils gémissaient :

— Comment vivrons-nous quand Thaïs ne sera plus là pour nous nourrir ? Les miettes de sa table rassasiaient tous les jours deux cents