Page:Anatole France - Thaïs.djvu/24

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— Frère Palémon, nos discours doivent avoir pour unique objet la louange de Celui qui a promis de se trouver au milieu de ceux qui s’assemblent en son nom. C’est pourquoi je viens t’entretenir d’un dessein que j’ai formé en vue de glorifier le Seigneur.

— Puisse donc le Seigneur bénir ton dessein, Paphnuce, comme il a béni mes laitues ! Il répand tous les matins sa grâce avec sa rosée sur mon jardin et sa bonté m’incite à le glorifier dans les concombres et les citrouilles qu’il me donne. Prions-le qu’il nous garde en sa paix ! Car rien n’est plus à craindre que les mouvements désordonnés qui troublent les cœurs. Quand ces mouvements nous agitent, nous sommes semblables à des hommes ivres et nous marchons, tirés de droite et de gauche, sans cesse près de tomber ignominieusement. Parfois ces transports nous plongent dans une joie déréglée, et celui qui s’y abandonne fait retentir dans l’air souillé le rire épais des brutes. Cette joie lamentable entraîne le pécheur dans toutes sortes de désordres. Mais parfois aussi ces troubles de l’âme et des sens nous jettent dans une tristesse impie, plus fu-