Page:Anatole France - Thaïs.djvu/269

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sait-il les paroles écrites dans ce livre mystérieux, qui demeure caché non loin d’ici au fond d’une tombe royale. Par la vertu de ces paroles les morts, reprenant la forme qu’ils avaient sur la terre, voient la lumière du soleil et le sourire des femmes.

Sa peur était que la joueuse de cinnor et le mort pussent se joindre, comme de leur vivant, et qu’il les vît s’unir. Parfois, il croyait entendre le souffle léger des baisers.

Tout lui était trouble et maintenant, en l’absence de Dieu, il craignait de penser autant que de sentir. Certain soir, comme il se tenait prosterné selon sa coutume, une voix inconnue lui dit :

— Paphnuce, il y a sur la terre plus de peuples que tu ne crois et, si je te montrais ce que j’ai vu, tu mourrais d’épouvante. Il y a des hommes qui portent au milieu du front un œil unique. Il y a des hommes qui n’ont qu’une jambe et marchent en sautant. Il y a des hommes qui changent de sexe, et de femelles deviennent mâles. Il y a des hommes arbres qui poussent des racines en terre. Et il y a des hommes sans tête, avec deux yeux, un nez,