Page:Anatole France - Thaïs.djvu/286

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Aux jeunes hommes :

— Soyez joyeux ; laissez la tristesse aux heureux de ce monde.

C’est ainsi que, parcourant le front de son armée filiale, il semait les exhortations. Paphnuce, le voyant approcher, tomba à genoux, déchiré entre la crainte et l’espérance.

— Mon père, mon père, cria-t-il dans son angoisse, mon père ! viens à mon secours, car je péris. J’ai donné à Dieu l’âme de Thaïs, j’ai habité le faîte d’une colonne et la chambre d’un sépulcre. Mon front, sans cesse prosterné, est devenu calleux comme le genou d’un chameau. Et pourtant Dieu s’est retiré de moi. Bénis-moi, mon père, et je serai sauvé ; secoue l’hysope et je serai lavé et je brillerai comme la neige.

Antoine ne répondait point. Il promenait sur ceux d’Antinoé ce regard dont nul ne pouvait soutenir l’éclat. Ayant arrêté sa vue sur Paul, qu’on nommait le Simple, il le considéra longtemps puis il lui fit signe d’approcher. Comme ils s’étonnaient tous que le saint s’adressât à un homme privé de sens, Antoine dit :