Page:Anatole France - Thaïs.djvu/292

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lissait son âme. Il lui prenait envie de se jeter au cou du compagnon de son enfance et de lui dire : « Nicias, je t’aime, puisque tu l’as aimée. Parle-moi d’elle ! Dis-moi ce qu’elle te disait. » Et sans cesse le fer de cette parole lui perçait le cœur : « Thaïs va mourir ! »

— Clartés du jour ! ombres argentées de la nuit, astre, cieux, arbres aux cimes tremblantes, bêtes sauvages, animaux familiers, âmes anxieuses des hommes, n’entendez-vous pas : « Thaïs va mourir ! » Lumières, souffles et parfums, disparaissez. Effacez-vous, formes et pensées de l’univers ! « Thaïs va mourir !… » Elle était la beauté du monde et tout ce qui l’approchait, s’ornait des reflets de sa grâce. Ce vieillard et ces sages assis près d’elle, au banquet d’Alexandrie, qu’ils étaient aimables ! que leur parole était harmonieuse ! L’essaim des riantes apparences voltigeait sur leurs lèvres et la volupté parfumait toutes leurs pensées. Et parce que le souffle de Thaïs était sur eux tout ce qu’ils disaient était amour, beauté, vérité. L’impiété charmante prêtait sa grâce à leurs discours. Ils exprimaient aisément la splendeur humaine. Hélas ! et tout cela n’est