Page:Anatole France - Thaïs.djvu/298

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— Ne meurs pas, criait-il d’une voix étrange qu’il ne reconnaissait pas lui-même. Je t’aime, ne meurs pas ! Écoute, ma Thaïs. Je t’ai trompée, je n’étais qu’un fou misérable. Dieu, le ciel, tout cela n’est rien. Il n’y a de vrai que la vie de la terre et l’amour des êtres. Je t’aime ! ne meurs pas ; ce serait impossible ; tu es trop précieuse. Viens, viens avec moi. Fuyons ; je t’emporterai bien loin dans mes bras. Viens, aimons-nous. Entends-moi donc, ô ma bien-aimée, et dis : « Je vivrai, je veux vivre. » Thaïs, Thaïs, lève-toi !

Elle ne l’entendait pas. Ses prunelles nageaient dans l’infini.

Elle murmura :

— Le ciel s’ouvre. Je vois les anges, les prophètes et les saints… le bon Théodore est parmi eux, les mains pleines de fleurs ; il me sourit et m’appelle… Deux séraphins viennent à moi. Ils approchent… qu’ils sont beaux !… Je vois Dieu.

Elle poussa un soupir d’allégresse et sa tête retomba inerte sur l’oreiller. Thaïs était morte. Paphnuce, dans une étreinte désespérée, la dévorait de désir, de rage et d’amour.