Page:Anatole France - Thaïs.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

doctrines et ne pense pas me contraindre à partager ton sentiment. Toute dispute est stérile. Mon opinion est de n’avoir pas d’opinion. Je vis exempt de troubles à la condition de vivre sans préférences. Poursuis ton chemin, et ne tente pas de me tirer de la bienheureuse apathie où je suis plongé, comme dans un bain délicieux, après les rudes travaux de mes jours.

Paphnuce était profondément instruit dans les choses de la foi. Par la connaissance qu’il avait des cœurs, il comprit que la grâce de Dieu n’était pas sur le vieillard Timoclès et que le jour du salut n’était pas encore venu pour cette âme acharnée à sa perte. Il ne répondit rien, de peur que l’édification tournât en scandale. Car il arrive parfois qu’en disputant contre les infidèles, on les induit de nouveau en péché, loin de les convertir. C’est pourquoi ceux qui possèdent la vérité doivent la répandre avec prudence.

— Adieu donc ! dit-il, malheureux Timoclès.

Et, poussant un grand soupir, il reprit dans la nuit son pieux voyage.

Au matin, il vit des ibis immobiles sur une