Page:Anatole France - Thaïs.djvu/59

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— Crains d’offenser Vénus, répondit Nicias ; c’est une puissante déesse. Elle sera irritée contre toi, si tu lui ravis sa plus illustre servante.

— Dieu me protégera, dit Paphnuce. Puisse-t-il éclairer ton cœur, ô Nicias, et te tirer de l’abîme où tu es plongé !

Et il sortit. Mais Nicias l’accompagna sur le seuil, il lui posa la main sur l’épaule et lui répéta dans le creux de l’oreille :

— Crains d’offenser Vénus ; sa vengeance est terrible.

Paphnuce dédaigneux des paroles légères sortit sans détourner la tête. Les propos de Nicias ne lui inspiraient que du mépris ; mais ce qu’il ne pouvait souffrir, c’est l’idée que son ami d’autrefois avait reçu les caresses de Thaïs. Il lui semblait que pécher avec cette femme, c’était pécher plus détestablement qu’avec toute autre. Il y trouvait une malice singulière, et Nicias lui était désormais en exécration. Il avait toujours haï l’impureté, mais certes les images de ce vice ne lui avaient jamais paru à ce point abominables ; jamais il n’avait partagé d’un tel cœur la colère de Jésus-Christ et la tristesse des anges.