Page:Anatole France - Thaïs.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il n’en éprouvait que plus d’ardeur à tirer Thaïs du milieu des gentils, et il lui tardait de voir la comédienne afin de la sauver. Toutefois il lui fallait attendre, pour pénétrer chez cette femme, que la grande chaleur du jour fût tombée. Or, la matinée s’achevait à peine et Paphnuce allait par les voies populeuses. Il avait résolu de ne prendre aucune nourriture en cette journée afin d’être moins indigne des grâces qu’il demandait au Seigneur. À la grande tristesse de son âme, il n’osait entrer dans aucune des églises de la ville, parce qu’il les savait profanées par les ariens, qui y avaient renversé la table du Seigneur. En effet, ces hérétiques, soutenus par l’empereur d’Orient, avaient chassé le patriarche Athanase de son siège épiscopal, et ils remplissaient de trouble et de confusion les chrétiens d’Alexandrie.

Il marchait donc à l’aventure, tantôt tenant ses regards fixés à terre par humilité, tantôt levant les yeux vers le ciel, comme en extase. Après avoir erré quelque temps, il se trouva sur un des quais de la ville. Le port artificiel abritait devant lui d’innombrables navires aux sombres carènes, tandis que souriait au large,