Page:Anatole France - Thaïs.djvu/62

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chattes ont accoutumé d’emporter leurs petits. Paphnuce parcourut ainsi plusieurs royaumes, traversant les fleuves et franchissant les montagnes, et il parvint en un lieu désolé, couvert de roches affreuses et de cendres chaudes. Le sol, déchiré en plusieurs endroits, laissait passer par ces bouches une haleine embrasée. La bête posa doucement Paphnuce à terre et lui dit :

— Regarde !

Et Paphnuce, se penchant sur le bord de l’abîme, vit un fleuve de feu qui roulait dans l’intérieur de la terre, entre un double escarpement de roches noires. Là, dans une lumière livide, des démons tourmentaient des âmes. Les âmes gardaient l’apparence des corps qui les avaient contenues, et même des lambeaux de vêtements y restaient attachés. Ces âmes semblaient paisibles au milieu des tourments. L’une d’elles, grande, blanche, les yeux clos, une bandelette au front, un sceptre à la main, chantait ; sa voix remplissait d’harmonie le stérile rivage ; elle disait les dieux et les héros. De petits diables verts lui perçaient les lèvres et la gorge avec des fers rouges. Et l’ombre d’Ho-