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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/61

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dans l’azur et l’argent, la mer perfide. Une galère, qui portait une Néréide à sa proue, venait de lever l’ancre. Les rameurs frappaient l’onde en chantant ; déjà la blanche fille des eaux, couverte de perles humides, ne laissait plus voir au moine qu’un fuyant profil : elle franchit, conduite par son pilote, l’étroit passage ouvert sur le bassin d’Eunostos et gagna la haute mer, laissant derrière elle un sillage fleuri.

— Et moi aussi, songeait Paphnuce, j’ai désiré jadis m’embarquer en chantant sur l’océan du monde. Mais bientôt j’ai connu ma folie et la Néréide ne m’a point emporté.

En rêvant de la sorte, il s’assit sur un tas de cordages et s’endormit. Pendant son sommeil, il eut une vision. Il lui sembla entendre le son d’une trompette éclatante et, le ciel étant devenu couleur de sang, il comprit que les temps étaient venus. Comme il priait Dieu avec une grande ferveur, il vit une bête énorme qui venait à lui, portant au front une croix de lumière, et il reconnut le Sphinx de Silsilé. La bête le saisit entre les dents sans lui faire de mal et l’emporta pendu à sa bouche comme les