Page:Anatole France - Thaïs.djvu/78

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duite par Ulysse, s’avança vers le tombeau qu’entourait l’élite des guerriers. Elle gravit, au bruit des chants de deuil, le tertre funéraire au sommet duquel le fils d’Achille faisait, dans une coupe d’or, des libations aux mânes du héros. Quand les sacrificateurs levèrent les bras pour la saisir, elle fit signe qu’elle voulait mourir libre, comme il convenait à la fille de tant de rois. Puis, déchirant sa tunique, elle montra la place de son cœur. Pyrrhus y plongea son glaive en détournant la tête, et, par un habile artifice, le sang jaillit à flots de la poitrine éblouissante de la vierge qui, la tête renversée et les yeux nageant dans l’horreur de la mort, tomba avec décence.

Cependant que les guerriers voilaient la victime et la couvraient de lis et d’anémones, des cris d’effroi et des sanglots déchiraient l’air, et Paphnuce, soulevé sur son banc, prophétisait d’une voix retentissante :

— Gentils, vils adorateurs des démons ! Et vous ariens plus infâmes que les idolâtres, instruisez-vous ! Ce que vous venez de voir est une image et un symbole. Cette fable renferme un sens mystique et bientôt la femme que vous