Page:Anatole France - Thaïs.djvu/98

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hôtes dont les langues se délièrent et qui se mirent à chanter des complaintes et des cantiques. Ahmès et Nitida, s’étant levés, dansèrent une danse nubienne qu’ils avaient apprise enfants, et qui se dansait sans doute dans la tribu depuis les premiers âges du monde. C’était une danse amoureuse ; agitant les bras et tout le corps balancé en cadence, ils feignaient tour à tour de se fuir et de se chercher. Ils roulaient de gros yeux et montraient dans un sourire des dents étincelantes.

C’est ainsi que Thaïs reçut le saint baptême. Elle aimait les amusements et, à mesure qu’elle grandissait, de vagues désirs naissaient en elle. Elle dansait et chantait tout le jour des rondes avec les enfants errants dans les rues, et elle regagnait, à la nuit, la maison de son père, en chantonnant encore :

— Torti tortu, pourquoi gardes-tu la maison ?
— Je dévide la laine et le fil de Milet.
— Torti tortu, comment ton fils a-t-il péri ?
— Du haut des chevaux blancs il tomba dans la mer.

Maintenant elle préférait à la compagnie du doux Ahmès celle des garçons et des filles. Elle ne s’apercevait point que son ami était