Page:Anatole France - Thaïs.djvu/99

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moins souvent auprès d’elle. La persécution s’étant ralentie, les assemblées des chrétiens devenaient plus régulières et le Nubien les fréquentait assidûment. Son zèle s’échauffait ; de mystérieuses menaces s’échappaient parfois de ses lèvres. Il disait que les riches ne garderaient point leurs biens. Il allait dans les places publiques où les chrétiens d’une humble condition avaient coutume de se réunir et là, rassemblant les misérables étendus à l’ombre des vieux murs, il leur annonçait l’affranchissement des esclaves et le jour prochain de la justice.

— Dans le royaume de Dieu, disait-il, les esclaves boiront des vins frais et mangeront des fruits délicieux, tandis que les riches, couchés à leurs pieds comme des chiens, dévoreront les miettes de leur table.

Ces propos ne restèrent point secrets ; ils furent publiés dans le faubourg et les maîtres craignirent qu’Ahmès n’excitât les esclaves à la révolte. Le cabaretier en ressentit une rancune profonde qu’il dissimula soigneusement.

Un jour, une salière d’argent, réservée à la nappe des dieux, disparut du cabaret. Ahmès fut accusé de l’avoir volée, en haine de son