Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/20

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des vieux âges. Notre texte, convenablement interrogé, nous dira peut-être lui-même s’il est antérieur ou postérieur à 1440.

Le bâtard d’Orléans fut fait comte de Dunois le 14 juillet 1439[1]. Les vers du Mistère, où on lui donne ce titre, ne peuvent donc être plus anciens que cette date. Ils abondent et, par une singularité qu’on n’explique pas, se trouvent tous dans le premier tiers de l’ouvrage. Quand Dunois parait ensuite, il redevient le Bâtard. De ce fait, voilà cinq mille vers que les éditeurs de 1862 considèrent comme ajoutés postérieurement au texte primitif, bien qu’ils ne se distinguent des autres ni par la langue, ni par le style, ni par la prosodie, ni par aucune qualité. Mais le reste du poème remonte-t-il à 1435 ou 39 ? Je n’en crois rien. Aux vers 12 093 et 12 094, la Pucelle annonce à Talbot qu’il mourra par la main « des gens du roi ». Cette prophétie n’a pu être faite, qu’après l’événement : elle constitue une manifeste allusion à la fin de l’illustre capitaine, et ces vers sont sûrement postérieurs à l’année 1453.

Un clerc Orléanais, six ans après le siège, n’aurait pas travesti Jeanne en dame de haute naissance. Aux vers 10 199 et suivants du Mistère du siège la

  1. Mistère du siège, préface, p. x.