Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/26

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avec des notes d’une admirable érudition. Cette chronique ou pour mieux dire les courriers qu’elle renferme, sont singulièrement précieux pour l’historien, non parce que les actions attribuées à la Pucelle y sont vraies, mais au contraire parce qu’elles y sont fausses, parce qu’elles sont toutes imaginaires et fabuleuses. On ne trouve pas dans la Chronique de Morosini'Texte en italique[1] un fait, un seul fait, concernant Jeanne, qui soit présenté dans son véritable caractère et sous un jour naturel. Et cependant les correspondants de Morosini sont des hommes d’affaires, des Vénitiens subtils et avisés. Il apparaît à les lire que, sur la « demoiselle », comme ils la nomment, à la fois fameuse et inconnue, courent par tout le monde chrétien d’innombrables fictions imitées tantôt des romans de chevalerie, tantôt de la Légende dorée.

Un autre texte, publié aussi par M. Germain Lefèvre Pontalis avec autant de conscience que de talent, le Journal d’un négociant allemand, nommé Eberhard de Windecke[2], présente le même phénomène. Rien de ce qui y est rapporté de la Pucelle n’est probable ni vraisemblable. Dès qu’elle paraît, un cycle de contes populaires

  1. Chronique d’Antonio Morosini, publ. par Léon Dorez et Germain Lefèvre-Pontalis, Paris, 1900-1902, 4 vol. in-8°.
  2. G. Lefèvre-Pontalis, Les sources allemandes de l’histoire de Jeanne d’Arc, Eberhard Windecke, Paris, 1903, in-8°.