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Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/28

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les sentiments de l’Église tout entière sur une fille qu’elle a condamnée vivante, durant la puissance anglaise, et réhabilitée morte, après les victoires des Français.

Quant aux cent vingt-trois témoins qui furent entendus à Domremy, à Vaucouleurs, à Toul, à Orléans, à Paris, à Rouen, à Lyon, gens d’Église, princes, capitaines, bourgeois, paysans, artisans, ils apportent sans doute des clartés sur une multitude de points. Mais, nous sommes obligés de le reconnaître, ils ne satisfont pas, tant s’en faut, toutes nos curiosités, et cela pour plusieurs raisons. D’abord ils répondaient à un questionnaire dressé en vue d’établir un certain nombre de faits dans l’ordre de la justice ecclésiastique. Le sacré inquisiteur qui conduisait le procès était curieux ; il ne l’était pas de la même manière que nous. C’est une première raison de l’insuffisance des témoignages à notre sens[1].

Il y en a d’autres. Les témoins se montrent, pour la plupart, simples à l’excès et sans discernement. Dans cette foule de gens de tout âge et de toute condition on est attristé de trouver si peu d’esprits judicieux et lucides. Il semble que les âmes fussent alors baignées dans un demi-jour où rien ne paraissait distinct. La

  1. Procès, t. II, pp. 378-463.