Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/29

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pensée comme la langue avait d’étranges puérilités. On ne peut pénétrer un peu avant dans cet âge obscur sans se croire parmi des enfants. Au long d’interminables guerres, la misère et l’ignorance avaient appauvri les esprits et réduit l’homme à une extrême maigreur morale. Le costume des nobles et des riches, étriqué, déchiqueté, ridicule, trahit la gracilité absurde du goût et la faiblesse de la raison[1]. Un des caractères les plus saisissants de ces petites intelligences, c’est la légèreté : elles sont incapables d’attention ; elles ne retiennent rien. Il faudrait n’avoir pas lu les écrits du temps pour n’être pas frappé de cette infirmité presque générale.

Aussi tout n’est-il pas bien sérieux dans ces cent quarante témoignages. La fille de Jacques Boucher, argentier du duc d’Orléans, dépose en ces termes : « La nuit je couchais seule avec Jeanne. Je n’ai jamais remarqué en elle rien de mal ni dans ses paroles ni dans ses actes. Tout y était simplicité, humilité, chasteté[2]. » Cette demoiselle avait neuf ans lorsqu’elle s’aperçut, avec un discernement précoce, que sa compagne de lit était simple, humble et chaste.

Cela est sans conséquence. Mais pour montrer combien

  1. J. Quicherat, Histoire du costume, Paris, 1875, gr. in-8°, passirn. — G. Demay, Le costume au moyen âge d’après les sceaux, Paris, 1880, p. 121, fig. 76 et 77.
  2. Procès, t. 111, p. 34.