Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/31

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intelligents et les plus avisés de son temps et qu’il passait pour beau parleur. Il avait défendu, non sans habileté, la ville d’Orléans et fait toute la campagne du sacre. Il faut que sa déposition ait été bien maltraitée par le traducteur et par les scribes. Sans cela on serait obligé de croire que le prudent seigneur la fit faire par son chapelain. Il y parle du « grand nombre des ennemis » en des termes plus convenables à un chanoine de la cathédrale ou à un marchand drapier, qu’au capitaine chargé d’assurer la défense et tenu de connaître les forces réelles des assiégeants. Tout ce qui, dans cette pièce, a trait au transport des vivres, le 28 avril, est à peu près inintelligible. Et Dunois n’a pas pu dire que la première étape de l’armée de Gien avait été Troyes. Rapportant un propos que lui tint la Pucelle après le sacre, il la fait parler comme si ses frères l’attendaient à Domrémy, tandis qu’ils chevauchaient près d’elle en France. Par une étrange maladresse, pour prouver que Jeanne avait des visions, il conte une historiette qui, tout au contraire, laisserait croire que cette jeune paysanne était une simulatrice habile et donnait, à la demande des seigneurs, le spectacle de l’extase, comme l’Esther du regretté docteur Luys[1].

  1. Procès, t. III, p. 12.