Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/45

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Jeanne. On ne peut la soupçonner de mensonge:elle crut fermement recevoir sa mission de ses voix. Il est plus difficile de savoir si elle ne fut pas dirigée à son insu. Ce que nous connaissons d’elle avant son arrivée à Chinon se réduit à très peu de chose. On est porté à croire qu’elle avait subi certaines influences; c’est le cas de toutes les visionnaires:un directeur, qu’on ne voit pas, les mène. Il en dut être ainsi de Jeanne. On l’entendit qui disait, à Vaucouleurs, que le dauphin avait le royaume en commande[1]. Ce n’étaient pas les gens de son village qui lui avaient appris ce terme. Elle récitait une prophétie qu’elle n’avait pas inventée et qui, visiblement, avait été fabriquée pour elle.

  Elle dut fréquenter des prêtres fidèles à la cause du dauphin Charles et qui surtout souhaitaient la fin de la guerre. Les abbayes étaient incendiées, les églises pillées, le service divin aboli[2]. Ces pieuses gens qui soupiraient après la paix, voyant que le traité de Troyes ne l’avait pu donner, l’attendaient seulement de l’expulsion des Anglais. Et ce qu’il y eut de rare, d’extraordinaire et comme d’ecclésiastique et de religieux en cette jeune paysanne, ce n’est pas qu’elle se

  1. Procès, t. II, p. 456.
  2. Le P. Denifle, La désolation des églises, monastères, hôpitaux en France vei’s le milieu du xv. siècle, Mâcon, 1897, in-8%