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Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/46

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crût appelée à chevaucher et à guerroyer, c’est que dans « sa grande pitié », elle annonçât la fin prochaine de la guerre, par la victoire et le sacre du roi, alors que les seigneurs des deux pays et les gens d’armes des deux partis n’avaient ni soupçon ni désir que la guerre finît jamais.

  La mission dont elle se croyait chargée par l’ange et à laquelle elle consacrait sa vie, était extraordinaire, sans doute, étonnante, inouïe ; mais non toutefois au-dessus de ce que des saints et des saintes avaient déjà tenté dans l’ordre des affaires humaines. Jeanne d’Arc fleurit au déclin des grands âges catholiques, alors que la sainteté, qui s’accompagnait volontiers de toutes sortes de bizarreries, d’illusions et de folies, était encore souverainement puissante sur les âmes. Et de quels miracles n’était-elle pas capable quand elle agissait par la force du cœur et par les grâces de l’esprit ? Du XIIIe au XVe siècle, les serviteurs de Dieu accomplissent des travaux merveilleux. Saint Dominique, pris d’une fureur sacrée, extermine l’hérésie par le fer et le feu ; saint François d’Assise institue, pour un jour, la pauvreté sur le monde ; saint Antoine de Padoue défend les artisans et les marchands contre l’avarice et la cruauté des seigneurs et des évêques ; sainte Catherine ramène le Pape à Rome. Était-il donc impossible à une sainte fille, avec l’aide de Dieu, de